Sélection de jurisprudence - France / Premier semestre 2018
La présente newsletter fait le point sur les évolutions législatives et présente quatre décisions de jurisprudence rendues au cours des derniers mois.
1. Modalités de dépôt des conventions et accords collectifs : Une procédure entièrement dématérialisée (Décret n° 2018-362 du 15 mai 2018)
Les conventions et accords collectifs au sens large (d’établissement, d’entreprise, de groupe, notamment) doivent désormais être rendus publics sur le site legifrance.gouv.fr et ce après avoir été déposés auprès de la Direccte compétente.
Le décret du 15 mai 2018 procède ainsi à une adaptation des règles de dépôt desdits conventions et accords.
Comme précédemment, un exemplaire des conventions et accords collectifs doit toujours être déposé au greffe du conseil de prud’hommes compétent. Mais désormais, le dépôt dématérialisé remplace le dépôt papier et l’envoi par courrier électronique à l’administration.
Ainsi, les conventions et accords collectifs et les pièces annexées doivent être déposés sur la plateforme Téléaccords, accessible depuis le site www.teleaccords.travail-emploi.gouv.fr. Les avenants et les annexes desdits conventions et accords sont également concernés par ce dépôt en ligne.
En pratique, il appartiendra au déposant de saisir certaines informations relatives à son identité, à l’entreprise et de joindre les pièces demandées au format numérique, à savoir :
- la version intégrale et signée de l’accord au format PDF
- la notification aux syndicats
- la version publiable et anonymisée de l’accord au format DOCX
2. Rupture conventionnelle : Le courrier de rétractation peut être envoyé jusqu’à minuit le jour d’expiration du délai de rétractation (Cass. soc., 14 février 2018, n°17-10.035)
Le délai légal de rétractation pour une rupture conventionnelle est de 15 jours calendaires. La Cour de cassation vient de décider qu’une rétractation est valable dès lors que la lettre de rétractation est envoyée à l’autre partie au plus tard le 15ème jour à minuit, peu important sa date de réception.
En pratique, il est donc prudent que l’envoi à la Direccte pour homologation soit effectué au moins 2 jours après l’expiration du délai de rétractation (soit 2 jours après le quinzième jour à minuit) afin d’attendre de recevoir une éventuelle rétractation envoyée au dernier moment. Si, toutefois, les parties souhaitent une rupture du contrat de travail rapide et que la demande d’homologation doit être adressée dès le lendemain de l’expiration du délai de rétractation, il conviendra dans ce cas de veiller à informer la Direccte de la rétraction intervenue et ce, dès réception du courrier de rétractation.
3. Vol en entreprise : L’employeur peut procéder à une enquête interne et enjoindre au salarié de rester dans un bureau (Cass. crim., 28 février 2018, n° 17-81.929)
Un salarié surpris par les caméras de vidéosurveillance de l’entreprise en plein vol de marchandises a, par la suite, été conduit par son employeur dans un bureau séparé. Ce dernier lui a ordonné de ne pas bouger le temps d’enquêter et a recueilli ses explications.
La chambre criminelle de la Cour de cassation reconnait à l’employeur ayant connaissance de faits répréhensibles pénalement, et susceptibles de faire l’objet d’une sanction disciplinaire, la possibilité de procéder à une enquête interne et recueillir les explications du salarié. La chambre criminelle de la Cour de cassation renvoie à une autre Cour d’appel le soin de préciser si les actes matériels dirigés contre le salarié l’auraient privé de sa liberté d’aller et venir.
4. Mobilité et atteinte à la vie familiale : Une clause de mobilité couvrant toute la France est valable (Cass. soc., 14 février 2018, n°16-23.042)
Une clause de mobilité est considérée comme étant précise quand bien même elle vise « les établissements, actuels et/ou futurs [de l’entreprise] en France ».
Lors de son engagement, le salarié ne doit pas nécessairement avoir connaissance du lieu d’implantation exact des éventuels futurs établissements. Peu importe également que la clause ne précise pas si seule la France métropolitaine est concernée. La Cour retient que l’employeur justifiait de la nécessité de la mutation par une réduction considérable et durable de l’activité à laquelle était affecté le salarié, rendant l’atteinte à la vie familiale de l’intéressé justifiée et proportionnée au but recherché.
5. Clause d’exclusivité : Précisions relatives à une clause d’exclusivité (Cass. soc., 16 mai 2018, n°16-25.272)
Une clause d’exclusivité doit être précise et ne doit pas être rédigée dans des termes généraux. La Cour de cassation juge qu’une clause d’exclusivité n’est pas licite si elle implique pour le salarié de solliciter une autorisation de l’employeur pour exercer « toute activité complémentaire ».
La Haute juridiction relève que ladite clause ne précisait pas les contours de « l’activité complémentaire » notamment le caractère bénévole ou lucratif, professionnel ou de loisirs. Elle précise que le champ d’application de cette clause ne pouvait pas être délimité. Il était impossible de vérifier si la restriction à la liberté du travail du salarié était justifiée et proportionnée. Un licenciement fondé sur la violation d’une clause d’exclusivité imprécise serait susceptible d’être jugé sans cause réelle et sérieuse comme ce fut le cas dans l’affaire concernée.
Read in English: Selected French legal developments / H1 2018