Société de Libre Partenariat (« SLP ») : « le partnership à la française »
Le projet de loi pour la croissance et l’activité (dite « Loi Macron »), adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 19 février dernier, devrait introduire dans la législation française un nouveau véhicule d’investissement dénommé : la Société de Libre Partenariat (la « SLP »).
En 2013, la transposition de la Directive AIFM avait permis au Législateur français de réaliser une utile rationalisation de la gamme des véhicules d’investissement régulés de droit Français. Cette rationalisation visait à rendre la Place financière française plus attractive pour les investisseurs institutionnels français mais également pour les investisseurs étrangers susceptibles d'investir dans des véhicules français.
Néanmoins, le marché français de la gestion d'actifs continuait à souffrir de la concurrence d’autres véhicules à l'égard de potentiels clients/investisseurs étrangers, et notamment du limited partnership anglo-saxon ou de la récente société en commandite spéciale (« SCSp ») luxembourgeoise.
La création de la SLP comme nouvelle forme juridique pour la structuration d’un Fonds Professionnel Spécialisé (« FPS ») peut être une réponse apportée par le Législateur français à la concurrence européenne afin de permettre à la gestion française de s’exporter. En effet, ce nouveau véhicule vise à répondre aux principales demandes des investisseurs étrangers : disposer d'un véhicule ayant des modalités de fonctionnement proches de celles pratiquées à l’étranger, avec une sécurité juridique équivalente et, bénéficier d’un régime fiscal clairement identifié, en particulier par les autorités fiscales des investisseurs eux-mêmes.
Un régime juridique inspiré du limited partnership anglo-saxon
La SLP se veut être un véhicule ayant des modalités de fonctionnement similaires à celles d’un limited partnership. Pour ce faire, la SLP sera placée sous le régime juridique de la société en commandite simple, structure sociétaire connue et ancienne en droit français, tout en apportant à la règlementation de ce type de société les dérogations nécessaires qui, jusqu'à maintenant, empêchaient d’avoir recours à cette forme de société.
Ainsi, comme pour un partnership, la SLP comporte deux catégories d’associés : les associés commandités dont la responsabilité est illimitée et les associés commanditaires qui répondent des dettes sociales à concurrence uniquement de leurs apports (équivalent des limited partners dans un partnership). Toute personne physique ou morale autorisée par les statuts peut être un associé commandité de la SLP. Toutefois, s’agissant d'un FIA1 – le FPS – par nature réservé aux investisseurs professionnels, les parts de commanditaires ne peuvent être souscrites que par des investisseurs professionnels ou réputés comme tels : (i) les investisseurs professionnels français ou étrangers, (ii) les personnes en charge de la gestion des actifs du FPS au sens large et (iii) tout investisseur dont la souscription est d’au moins 100.000 €.
Comme dans un partnership, et conformément à la règlementation des sociétés en commandite, la SLP doit nommer au moins un gérant (équivalent du general partner pour un partnership), qui n’est pas nécessairement un associé commandité. Ce gérant est le seul organe social qui a la responsabilité de la gestion de la société et de sa représentation à l'égard des tiers, tandis qu’un associé commanditaire ne peut effectuer aucun acte de gestion externe.
La gestion du portefeuille d'actifs – qui représente seulement une partie de la « gestion » de la société – de la SLP est soit effectuée en interne par son gérant (véhicule autogéré), soit déléguée de façon globale ou partielle, à une société de gestion de portefeuille agréée et régulée. Cette société de gestion peut être soit une société de gestion française agréée par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), et ce, au titre de la Directive AIFM ou non (si cette société de gestion est en dessous des seuils prévus par cette directive), soit par une société de gestion de l'Union Européenne disposant d'un agrément au titre de la Directive AIFM.
A cet égard, la loi mentionne le recours par la SLP à une société de gestion interne ou externe comme une faculté, mais il est à craindre que cela soit une obligation au regard des dispositions de l'article L214-24 du CMF.
Il aurait été souhaitable que la nouvelle loi prévoit que la SLP puisse sur option relever de la catégorie des « Autres FIA », afin que, dans l'hypothèse où elle n'aurait à son capital que des investisseurs professionnels et que le montant de ses actifs gérés soit en dessous des seuils de la Directive AIFM, (i) elle ne soit pas obligée de confier la gestion de son portefeuille à une société de gestion agréée (ou d'être agréée elle-même si autogérée) et, (ii) qu’elle soit uniquement tenue de se faire enregistrer auprès de l’AMF comme « Autres FIA ». Elle serait également dispensée d’avoir un dépositaire. Si cette faculté pouvait être ajoutée à la loi avant son adoption définitive, la France disposerait ainsi, grâce à la SLP, d’un régime juridique pour ce type de véhicule aussi compétitif que celui qui existe au Luxembourg. Combiné avec le statut de fonds UEvca2, cette SLP pourrait ainsi être commercialisée dans toute l'Union Européenne via un passeport avec des contraintes règlementaires de gestion réduites.
Par ailleurs, comme tout FPS, la SLP doit nommer (i) un dépositaire, qui sera notamment en charge de la conservation des actifs et de la vérification de la qualité des investisseurs mentionnés ci-dessus et (ii) un commissaire aux comptes.
En tant que FPS, la SLP dispose d'une grande liberté dans les domaines suivants :
- la rédaction des statuts et du prospectus (i.e. qui peuvent notamment être rédigés en anglais à l’exception de l’extrait devant être enregistré au registre du commerce et des sociétés) ;
- les règles d’investissement et d’engagement de la SLP qui sont librement fixées par les statuts ;
- les actifs éligibles en portefeuille, pouvant comprendre non seulement tout type d’instruments financiers mais également (i) des avances en compte courant, (ii) des « biens » au sens du Code civil (corporels et incorporels) et (iii) des droits représentatifs d’un placement financier (ex : interests dans un limited partnership) ;
- les modalités d’émission et de libération des parts, ainsi que leurs caractéristiques avec la possibilité d’émettre des parts offrant des droits politiques (droits de vote) ou financiers différents, et notamment des parts de carried interest ;
- les modalités de gouvernance de la SLP ;
- la périodicité et les modalités d’établissement de la valeur liquidative ;
- la possibilité de créer des compartiments juridiquement et comptablement ségrégués.
A cet égard, il est à noter que la nouvelle loi a voulu entourer ce nouveau véhicule d'un cadre législatif particulièrement complet et encadré de façon à offrir aux gestionnaires comme aux investisseurs une sécurité juridique renforcée. Ainsi, la loi prend la peine de préciser de façon expresse que les dispositions du Livre VI du Code de commerce (relatives aux difficultés des entreprises) ne sont pas applicables à la SLP.
Du fait de son immatriculation au RCS3, la SLP jouira de la personnalité morale et disposera d'un extrait Kbis officiel. Cette immatriculation, comme pour un FPS sous forme de SICAV, permettra à ce véhicule d'être parfaitement identifié à l'étranger, et notamment dans les pays germaniques, tant vis-à-vis d'investisseurs que pour réaliser ses investissements.
Un régime fiscal de pure transparence clairement affirmé
La loi affirme explicitement que la SLP relève du régime de la « transparence fiscale », ce qui n’était pas aussi clairement précisé pour les autres formes de fonds. Il en résulte que, sur un plan fiscal, la SLP sera réputée ne pas avoir de personnalité distincte de celles de ses membres.
Les associés seront donc personnellement soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, suivant leur régime fiscal propre, pour la part des revenus et gains sociaux correspondant à leurs droits dans la SLP.
Par ailleurs, suivant la logique de transparence fiscale, les cessions de titres consenties par les associés de la SLP devraient avoir pour objet, non pas les droits sociaux, mais les actifs eux-mêmes détenus directement par la SLP, représentés par les droits cédés.
De même, la SLP ne devrait pas être considérée comme un « résident » pour l’application des conventions fiscales internationales (contrairement aux sociétés de personnes qui sont de véritables « sujets fiscaux »). Dans cette logique, les associés de la SLP devraient pouvoir bénéficier directement des dispositions de la convention applicable entre leur lieu de résidence et le lieu de source du revenu. Ainsi, la transparence fiscale de la SLP devrait permettre d’éviter les situations de double imposition pour les investisseurs. Cette analyse devra notamment être confirmée par l’administration fiscale dans ses commentaires sur le régime fiscal de la SLP.
En tout état de cause, l’attribution expresse de ce régime de transparence fiscale à la SLP va constituer un élément d'attractivité non négligeable pour des investisseurs professionnels français et encore plus pour les investisseurs étrangers (qui sont déjà familiarisés avec le régime de transparence des véhicules étrangers concurrents). Sans offrir d'avantage fiscal particulier, ce régime garantit aux investisseurs étrangers qu'ils ne subiront pas de double imposition et que leur propre administration fiscale ne remettra pas en cause, en principe, la nature des revenus encaissés via la SLP.
Pour les investisseurs français, ce régime de transparence implique une imposition sur les revenus encaissés par la SLP - distribués ou non - et non pas sur les écarts de valeur liquidative comme c’est le cas normalement pour les OPC français (la SLP est exclue du régime d’imposition des valeurs liquidatives par disposition expresse de la loi).
Par ailleurs, la loi prévoit également que la SLP pourrait permettre à des investisseurs français de bénéficier du régime fiscal spécifique des fonds de capital investissement, à la condition que la SLP s’engage à respecter les quotas d’investissements prévus pour les fonds professionnels de capital investissement (dits « FPCIs fiscaux ») ayant pour objet d’investir principalement dans des sociétés européennes non cotées.
Dans ce cas, la SLP serait assimilée à un FPCI – sans être soumise à certaines contraintes règlementaires de ce type de fonds – et permettrait aux investisseurs résidents français de bénéficier des régimes de faveur applicables aux FPCIs : pour les personnes physiques, le régime d’exonération d’impôt sur le revenu, sous réserve de prendre un engagement de conservation des parts pendant cinq ans, et pour les personnes morales, le régime des plus- values à long terme, sous réserve de conserver les parts au moins cinq ans.
De plus, la SLP pourrait également dans ce cas, émettre des actions de carried interest relevant du cadre légal sécurisé prévu à l’article 150-0 A du CGI.
A noter enfin que la gestion du portefeuille de la SLP devrait bénéficier de l'exonération de TVA visée à l'article 261 C du CGI.
Footnotes
1) FIA : Fonds d’Investissement Alternatif
2) Fonds de Capital Risques Européens régis par les dispositions du Règlement UE n° 345/2013 du 17 avril 2013
3) Registre du Commerce et des Sociétés