Loi Macron : les pincipaux changements
Read in English "Macron Law: its major changes"
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances dite « loi Macron » (ci-après « la Loi ») a été adoptée le 6 août 2015. De la réforme de la procédure prud’homale à la simplification de la gestion des instances représentatives du personnel, en passant par l’assouplissement du régime des licenciements pour motif économique, cette Loi assouplit les dispositifs légaux sur un grand nombre de sujets au bénéfice des employeurs.
Sommaire
- Procédure prud’homale et référentiel d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Assouplissement du régime applicable aux licenciements économiques
- Recours favorisé aux accords de maintien de l’emploi
- Assouplissement des cas de recours au travail dominical et au travail de nuit
- Allègement des obligations de l’employeur dans le cadre d’une cession d’entreprise
- Encadrement des retraites chapeaux et de l’actionnariat des salariés
- Épargne salariale
- Institutions représentatives du personnel
- Élections professionnelles
Procédure prud’homale et référentiel d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Concernant la procédure prud’homale
- Le bureau de conciliation est rebaptisé bureau de conciliation et d’orientation (« BCO »).
- Le BCO peut entendre les parties séparément et de manière confidentielle.
- En cas d’échec de la conciliation, le BCO pourra renvoyer les parties :
o devant le bureau de jugement en formation restreinte,
o devant un juge départiteur,
o devant le bureau de jugement classique.
- Si une des parties ne comparaît pas (personnellement ou représentée) et à défaut de motif légitime, le BCO pourra statuer en tant que bureau de jugement dans sa formation restreinte.
- Concernant les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Un référentiel indicatif sera mis en place ultérieurement pour faciliter la fixation des indemnités de rupture par le juge. Ce référentiel devrait prendre en compte notamment l’ancienneté, l’âge et la reprise ou non d’activité après le licenciement.
L’utilisation de ce référentiel est laissée à la libre appréciation du juge. Si les deux parties en font la demande, le juge devra l’appliquer strictement.
Assouplissement du régime applicable aux licenciements économiques
Le régime des licenciements économiques s’assouplit, et ce sur de nombreux aspects.
- Les critères d’ordre de licenciement
Alors que la possibilité de déroger à une mise en œuvre des critères d’ordre de licenciement au niveau de l’entreprise était extrêmement limitée, la Loi permet désormais de retenir un périmètre d’application au niveau d’une zone d’emploi. Un décret précisera la notion de zone d’emploi.
- L’obligation de recherche de reclassement à l’étranger
Si les salariés souhaitent recevoir des offres de reclassement à l’étranger, ils devront désormais en faire la demande auprès de leur employeur, assortie des éventuelles restrictions salariales et/ou en matière de localisation.
- Les conséquences d’une annulation de la décision de validation ou d’homologation du Plan de Sauvegarde de l’Emploi (« PSE ») pour insuffisance de motivation
Dans l’hypothèse où la décision de validation ou d’homologation serait annulée en raison d’une motivation jugée insuffisante, la DIRECCTE pourra régulariser la situation dans un délai de quinze jours calendaires suivant la notification du jugement d’annulation.
En outre, l’annulation de la décision de validation ou d’homologation est désormais sans effet sur les licenciements notifiés sur la base de ladite décision, alors qu’auparavant, les salariés pouvaient solliciter leur réintégration et/ou des dommages-intérêts pour licenciement nul.
- Les PSE dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire
Dans les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, la décision de validation ou d’homologation par la DIRECCTE peut intervenir après appréciation des moyens de l’entreprise et non du groupe.
- Le Contrat de Sécurisation Professionnelle (« CSP »)
La Loi prévoit que la proposition de CSP n’interviendra qu’une fois la décision de validation ou d’homologation du PSE par la DIRECCTE intervenue.
Recours favorisé aux accords de maintien de l’emploi
Mis en place par la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, les accords de maintien de l’emploi permettent à l’employeur d’appliquer de manière temporaire, aux salariés l’ayant accepté, des aménagements portant notamment sur la rémunération ou la durée du travail en contrepartie de quoi l’employeur s’engage à conserver les emplois des salariés concernés pendant la durée de l’accord.
Pour inciter les entreprises à recourir à ce dispositif, la Loi porte à cinq ans la durée desdits accords (au lieu de 2 ans précédemment) et permet d’y prévoir les conditions et modalités de sa suspension.
Par ailleurs, en cas de refus du salarié de se voir appliquer les mesures décidées dans l’accord de maintien de l’emploi, l’employeur n’est plus tenu de tenter de le reclasser avant de procéder à son licenciement.
Assouplissement des cas de recours au travail dominical et au travail de nuit
- Concernant le travail dominical
La Loi a assoupli les conditions de recours au travail dominical comme suit :
- le nombre de dérogations octroyées par le maire (ou à Paris, le Préfet) passera de cinq à douze à compter du 1er janvier 2016, pour les établissements de commerce de détail ;
- les établissements de vente au détail de biens et de services peuvent déroger de plein droit au repos dominical, en donnant un repos par roulement à tout ou partie du personnel s’ils sont situés:
o dans une zone touristique délimitée par le préfet de région ;
o dans une zone touristique internationale délimitée par le ministre chargé du travail, du tourisme et du commerce ;
o dans une zone commerciale caractérisée par une offre commerciale et une demande potentiellement importante délimitée par le préfet de région.
Ces trois zones remplacent les actuelles zones touristiques et les périmètres d’usage et de consommation exceptionnels (PUCE).
Les établissements de vente au détail de certaines gares caractérisés par une affluence exceptionnelle, désignés par arrêté, bénéficient de cette même dérogation.
Les entreprises éligibles devront toutefois être couvertes par un accord collectif destiné à définir les modalités de recours au travail dominical, ainsi que les compensations et garanties pour les salariés.
- La dérogation au repos dominical, lorsque le repos de tous les salariés le dimanche est préjudiciable au public ou compromet le fonctionnement de l’établissement, sera accordée pour une durée maximale de trois ans.
- Les entreprises de commerce de détail alimentaire peuvent faire travailler les salariés jusqu’à 13 h, moyennant un repos compensateur. Lorsque la surface de vente dépasse 400 m², ils devront bénéficier en plus d’une majoration de salaire de 30 %.
- Concernant le travail de nuit
Sous réserve d’un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise, d’établissement ou d’un accord territorial, les établissements situés dans une zone touristique internationale peuvent reporter le début de la période de travail de nuit jusqu’à minuit. Lorsque le début de la période de nuit est fixé au-delà de 22 heures, elle s’achève à 7 heures.
Cet accord devra présenter certaines garanties.
Les salariés doivent être volontaires (accord écrit). Chacune des heures effectuées sur cette plage horaire devra être rémunérée au moins le double et donnera lieu à un repos compensateur équivalent en temps.
Allègement des obligations de l’employeur dans le cadre d’une cession d’entreprise
L’obligation d’information des salariés en cas de cession d’entreprise instituée par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 (« loi Hamon ») pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés est modifiée.
Cette obligation est limitée au seul cas de la vente de l’entreprise et ne s’applique plus, comme auparavant, à toutes les cessions, lesquelles pouvaient recouvrir en particulier des opérations internes à un groupe (apports de titres, apports partiels d’actifs ou cessions intragroupe).
Par ailleurs, le chef d’entreprise est dispensé de son obligation si, dans les douze mois précédents la vente, il a déjà tenu ses salariés au courant de son projet dans le cadre de l’obligation triennale d’information sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés.
L’entreprise pourra toutefois être condamnée à une amende civile dont le montant ne pourra excéder 2 % de la vente dans le cas où l’employeur ne se conformerait pas à son obligation d’information des salariés.
Encadrement des retraites chapeaux et de l’actionnariat des salariés
- Retraites chapeaux
Le régime de retraite à prestations définies garantit aux salariés bénéficiaires un niveau de retraite prédéterminé.
Parmi les types de régimes de retraite à prestations définies, figure le régime dit des « retraites chapeaux » qui consiste, pour l’entreprise, à octroyer aux bénéficiaires un niveau global de retraite, tous régimes de retraite confondus, et à verser le cas échéant, la différence entre le niveau global susvisé et les sommes effectivement versées par les autres régimes de retraite.
La Loi prévoit que l’octroi de retraites chapeaux - au profit des dirigeants des sociétés anonymes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé – doit être soumis à la procédure des conventions réglementées et s’inscrire dans certaines limites.
De plus, leur bénéfice est désormais subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société qu’il préside.
Ces dispositions s’appliqueront aux engagements pris par les entreprises à compter de la publication de la Loi et ceux pris à l’égard de dirigeants nommés ou renouvelés après la publication de la Loi, à compter de leur nomination ou renouvellement.
- Attribution gratuite d’actions (« AGA »)
Le régime des AGA qui seront attribuées après la publication de la loi est modifié comme suit :
- la période d’acquisition de deux ans est réduite à un an ;
- il n’existe plus de durée de conservation légale minimale (qui était de deux ans). L’assemblée générale extraordinaire peut fixer librement cette durée de conservation. En tout état de cause, la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation ne peut être inférieure à deux ans ;
- le taux de la contribution patronale spécifique est ramené de 30 % à 20 % et devient exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire ;
- les gains d’acquisition d’actions ne sont plus soumis à la contribution salariale de 10 %.
Épargne salariale
- Mesures relatives à l’intéressement et à la participation
i. Négociation des accords d’intéressement / participation
Les branches doivent négocier un accord d’intéressement avant le 31 décembre 2017.
La mise en place de la participation est désormais obligatoire pour les entreprises ayant un effectif de cinquante salariés sur trois exercices (et non plus sur un seul). En revanche, les entreprises franchissant ce seuil de cinquante salariés et qui ont déjà conclu un accord d’intéressement seront dispensées de négocier un accord de participation pour trois ans.
Les salariés pourront demander la renégociation d’un accord d’intéressement, lorsque celui-ci a été conclu à la majorité des 2/3 du personnel (y compris en présence d’une clause de tacite reconduction).
Le taux du forfait social applicable passe à 8 % pour les entreprises de moins de cinquante salariés concluant pour la première fois un accord de participation ou d’intéressement ou celles n’ayant pas conclu d’accord au cours d’une période de cinq ans avant la date d’effet du nouvel accord. Ce taux sera applicable pendant six ans.
ii. Affectation des sommes issues de l’intéressement
Avant la Loi, les sommes issues de l’intéressement étaient directement versées aux salariés.
À partir du 1er janvier 2016, ces sommes seront désormais placées sur un plan d’épargne entreprise (« PEE »), lorsqu’un tel plan existe dans l’entreprise.
La Loi a néanmoins prévu un « droit de rétraction du salarié » pour les droits à intéressement attribués entre 1 er janvier 2016 et le 31 décembre 2017. À ce titre, le salarié pourra toujours solliciter le déblocage exceptionnel de son intéressement affecté au PEE, dans un délai de trois mois après avoir été informé du blocage de ses avoirs.
iii. Délais de versement de l’intéressement et de la participation
Désormais, la date limite de versement des primes est fixée au dernier jour du cinquième mois suivant la clôture de l’exercice. En cas de dépassement de cette date limite, il est prévu un taux de retard unique égal à 1,33 fois le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées.
Dans ces circonstances, l’indisponibilité des sommes bloquées au titre de la participation et de l’intéressement démarre au premier jour du sixième mois suivant l’exercice au titre duquel les droits sont nés.
- Mesures relatives au Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif (« PERCO »)
La contribution spécifique de 8,2 % applicable sur la fraction des abondements des employeurs vers les PERCO supérieurs à 2 300 € par an est supprimée. En outre, les employeurs peuvent abonder par le biais d’un versement initial et des versements périodiques, indépendamment de tout versement des salariés.
De surcroît, le PERCO pourra être mis en place par ratification à la majorité des 2/3 du personnel d’un projet de contrat proposé par l’employeur, en l’absence de représentant syndical ou de comité d’entreprise.
L’équivalent de dix jours de congés non pris pourra être versé dans le PERCO par les salariés n’ayant pas de compte épargne temps, contre cinq auparavant.
A compter du 1er janvier 2016, la gestion libre laissera la place à la gestion pilotée, qui sera désormais l’option par défaut du PERCO.
Enfin, le taux du forfait social passe à 16 % pour les versements issus de l’intéressement et de la participation, ainsi que pour les abondements, sous réserve d’investir sur un fonds qui comporte au moins 7 % de titres destinés à financer les petites et moyennes entreprises (« PME ») et les entreprises de taille intermédiaire (« ETI »).
- Mesures diverses
Enfin, la Loi prévoit toute une série de mesures diverses relatives à l’épargne salariale :
- possibilité de modifier les dispositions relatives au plan d’épargne interentreprises (alimentation, affectation, abondements) en l’absence d’opposition de la majorité des entreprises adhérentes au plan dans un délai d’un mois à compter de la date d’envoi de l’information ;
- révision du contenu du livret d’épargne salariale, qui représentera désormais les dispositifs mis en place au sein de l’entreprise ;
- précisions quant à la prise en charge des frais de tenue de compte dans l’état récapitulatif remis à chaque bénéficiaire (prise en compte par l’entreprise ou prélèvement sur les avoirs).
Institutions représentatives du personnel
- Délit d’entrave : la peine de prison supprimée
Le délit d’entrave est désormais sanctionné différemment selon la nature de l’entrave :
- l’atteinte à la libre désignation des instances représentatives du personnel reste punie d’un an d’emprisonnement et l’amende passe de 3 750 € à 7 500 € ;
- l’atteinte à l’exercice régulier des fonctions des représentants du personnel n’est plus passible que de l’amende qui passe de 3 750 € à 7 500 €.
- Mise en place du statut de défenseur syndical
La Loi crée le statut de défenseur syndical au bénéfice du salarié désigné par une organisation syndicale pour exercer des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale.
Il dispose du temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions dans la limite de dix heures par mois. Ses absences sont assimilées à une durée de travail effectif et rémunérées par l’employeur. Ce dernier est remboursé par l’Etat des salaires maintenus pendant ces absences, ainsi que des avantages et charges sociales correspondants.
Le défenseur syndical dispose également d’autorisations d’absence pour les besoins de sa formation dans la limite de deux semaines par période de quatre ans et bénéficie du statut de salarié protégé.
- Consultations du CHSCT
Désormais, comme pour le CE, les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail pourront être inscrites de plein droit à l’ordre du jour par l’employeur ou le secrétaire.
Bien entendu, le principe demeure une élaboration conjointe de l’ordre du jour par l’employeur et le secrétaire.
- Utilisation étendue de la base de données
L’employeur peut désormais communiquer aux membres du comité d’entreprise, par l’intermédiaire de la base de données unique, les informations relatives aux consultations ponctuelles. Auparavant, ces consultations nécessitaient l’envoi de rapports et informations.
Élections professionnelles
- Élargissement de la compétence du juge judiciaire
Le juge judiciaire est désormais compétent en cas de contestation des décisions de l’administration relatives à :
- la répartition du personnel dans les collèges électoraux ainsi que des sièges entre les catégories de personnel pour les élections des délégués du personnel et du CE ;
- la reconnaissance du caractère d’établissement distinct pour les délégués du personnel ;
- la dérogation de l’inspection du travail aux conditions d’ancienneté pour être électeur ou éligible aux élections de délégués du personnel ou du CE.
Le juge administratif reste compétent concernant la détermination des modalités des élections professionnelles.
- L’information des résultats des élections
Outre l’envoi des procès-verbaux portant résultats des élections professionnelles à l’inspecteur du travail et à un organisme chargé de la collecte des résultats des élections, l’employeur doit désormais en adresser copie dans les meilleurs délais et par tout moyen aux syndicats ayant présenté des listes de candidats ainsi qu’à ceux ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral.