Dispositions légales et jurisprudence incontournables du 1er semestre 2015 en matière de droit social en France
Vous avez peut être manqué certains développements récents…
Cette lettre d’information rassemble quelques évolutions majeures du premier semestre 2015 en France en droit du travail.
Les demandes de dommages et intérêts en raison de congés non pris : sur qui pèse la charge de la preuve ? (Cass. Soc, 12 mai 2015 n°13-20.349)
Un salarié conteste son licenciement devant les juridictions françaises. Il formule de nombreuses demandes et notamment une relative aux jours de congés payés qu’il n’a pas été en mesure de prendre.
Se fondant sur une directive UE de 2003 qui dispose que tout salarié a droit à 4 semaines de congés payés par an, la Cour de cassation estimait, jusqu’à présent, qu’il appartenait à l’employeur de prouver qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour permettre à ses salariés de prendre leurs congés payés. S’il était dans l’incapacité d’apporter une telle preuve, l’employeur devait des dommages et intérêts aux salariés qui n’avaient pas été en mesure de prendre leurs congés payés.
Le 12 mai 2015, la Cour de cassation adopte une nouvelle position concernant la répartition de la charge de la preuve à cet égard. Elle estime que celle-ci est partagée entre l’employeur et le salarié concernant la prise des congé payés. Désormais la charge de la preuve s’établit comme suit :
- sur l’employeur s’agissant des 4 semaines de congés payés rendues obligatoires par la directive UE.
- sur les salariés s’agissant des congés payés au-delà des 4 semaines obligatoires.
Si cette décision est favorable à l’employeur, les tribunaux devront faire face à une situation plus compliquée.
La rupture conventionnelle conclue avec une salariée en congé maternité est valable. (Cass. Soc, 25 mars 2015 n°14-10.149)
Une salariée conclut une rupture conventionnelle avec son employeur pendant son congé maternité. Elle conteste ensuite la validité de cette rupture conventionnelle et demande à ce qu’elle soit déclarée nulle.
Les juges la déboutent de sa demande et jugent que la rupture conventionnelle conclue est valable.
Cet arrêt pourrait surprendre car en principe, le droit français n’admet pas qu’une rupture conventionnelle soit conclue pendant une période de suspension du contrat de travail. Or, ce principe a déjà été atténué par le passé. En 2014, la Cour de cassation a admis qu’une rupture conventionnelle puisse être valablement conclue avec un salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail. Dans cet arrêt, la Cour de cassation facilite une nouvelle fois la conclusion de ruptures conventionnelles.
Les SMS envoyés ou reçus sur un téléphone portable professionnel sont présumés avoir un caractère professionnel et peuvent être consultés par l’employeur. (Cass. Com, 10 février 2015 n°13-14.779)
Dans le cadre d’un contentieux opposant deux sociétés, l’une des deux sociétés a été autorisée par ordonnance sur requête à faire procéder un constat d’huissier portant notamment sur les téléphones portables professionnels mis à la disposition d’un de ses anciens salariés.
La Cour de cassation devait décider si le principe du secret des correspondances pouvait empêcher l’employeur d’accéder aux SMS professionnels de ses salariés.
La chambre commerciale juge pour la première fois à notre connaissance que les SMS envoyés ou reçus par un salarié sur son portable professionnel peuvent être lus par l’employeur.
Ce n’est que dans l’hypothèse où le SMS serait identifié comme personnel que son accès serait restreint : dans ce cas, le portable professionnel peut être consulté par l’employeur en présence du salarié concerné ou si ce dernier a été invité à être présent.
Par cette décision, la chambre commerciale a adopté la même position que celle de la chambre sociale relative aux documents se trouvant sur l’ordinateur professionnel des salariés. En effet, ces documents sont présumés professionnels et l’employeur peut y avoir accès en l’absence du salarié à moins qu’ils n’aient été identifiés comme personnels.
Cette solution est donc désormais étendue aux SMS.
Un motif économique ne justifie pas nécessairement l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. (Cass. Soc, 18 février 2015 n°13-21.820)
Alors que son contrat de travail est suspendu suite à un accident du travail, un directeur commercial est licencié pour motif économique. Ce licenciement était fondé sur la réorganisation, impliquant des suppressions de postes, dans l’entreprise à laquelle il appartenait.
La Cour de cassation considère que l’existence d’un motif économique de licenciement n’est pas suffisant en soit pour justifier l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié en arrêt de travail à la suite d’un accident du travail.
Par cette décision, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure.
La liberté d’expression du salarié trouve sa limite dans l’abus. (Cass. Soc, 6 mai 2015 n°14-10.781)
À la suite de la publication de deux articles sur un blog, un salarié est licencié.
Dans lesdits articles, le salarié affirmait que l’un de ses collègues a été licencié pour avoir revendiqué l’application de certaines dispositions du code du travail et qu’il avait lui-même subi des menaces et du chantage lors de réunions internes.
Estimant qu’il avait fait un usage abusif de sa liberté d’expression, l’employeur avait licencié le salarié pour faute grave. Le salarié avait donc contesté son licenciement.
La Cour de cassation juge que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et que le salarié n’avait pas abusé de sa liberté d’expression.
Les juges ont estimé qu’aucun abus ne pouvait être reproché eu égard :
- à la situation conflictuelle existante au sein de la société,
- au caractère quasiment confidentiel de blog (qui n’est accessible qu’à des membres), et
- aux propos reprochés au salarié qui n’étaient ni injurieux ni vexatoires.